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Vecteur transversal - Normes, savoir et (dés)ordre
Vecteur transversal : Normes, savoir et (dés)ordre
La question de la norme sous-tend les trois principaux vecteurs de recherche de l'IETT. Ce vecteur transversal interroge les rapports entre autonomie individuelle et normativité collective, qu’ils s’exercent par le biais de formes démocratiques ou technocratiques. Le processus de normalisation touche différentes institutions, qu’elles soient juridiques, sociales, linguistiques, scientifiques, artistiques, etc., impactant toute action et événement humains, et requiert la création d’un imaginaire partagé par un groupe, à l’aune duquel tout doit être mesuré. Déviances et différences oscillent donc entre les pôles définis de la normalité et de l’anormalité : dans un continuum entre ces deux pôles, le concept de norme implique aussi une réflexion sur l'ordre et le désordre. Penser est une activité normative qui repose sur des normes cognitives et linguistiques. Tout chercheur est confronté à la question épistémologique de la taxinomie du savoir, entre ordre/(dés)ordre, situation qui mène nécessairement à une réflexion critique sur la communauté de recherche elle-même et sur ses évolutions actuelles. La menace que constitue l’institution de monopoles du savoir requiert d’identifier des formes émergentes de désobéissance épistémologique et d’en déterminer les contours et modes d’action. En vue de repenser la construction des savoirs, nous envisageons de ré-imaginer la nature des échanges entre le monde scientifique et la société civile. De telles procédures impliquent partager, co-construire, et diffuser le savoir, en profitant notamment du développement des humanités numériques. La normalisation de la pensée et des pratiques conduit souvent à l’autocensure. La censure repose sur tout un appareil technique de production, de reproduction et de dissémination de normes hégémoniques et de codes dominants (propagande), entreprise dont il faut comprendre les ressorts, les techniques sur lesquelles elle s’appuie et les effets qu’elle induit (normalisation, manipulation, catégorisation). C’est en ce sens qu’il est possible de parler de la censure littéralement comme d’une « fabrique des imaginaires » : les métaphores et stéréotypes, structures rhétoriques et schémas narratifs, images et mises en scène, présents aussi bien dans des textes littéraires, des campagnes publicitaires, des textes juridiques ou encore des articles de presse, poursuivent des stratégies politiques de légitimation et de dé-légitimation de ce qui peut ou doit être dit et pensé, stratégies qui doivent être déconstruites pour que leur nature, souvent arbitraire et injuste, puisse être mise en exergue. Ainsi entendue, la censure engendre un système de classification du savoir, une typologie des comportements et une taxonomie des identités qui limitent et affaiblissent le champ des possibles et l’exercice de la liberté. L’ambition des trois vecteurs de recherche de notre équipe est d’interroger, voire de déconstruire, des questions complexes relatives au genre et aux sexualités (vecteur 1), à l’écologie, à l’économie et à la technologie (vecteur 2), ainsi qu’à la migration, aux frontières et à la (dé)colonialité (vecteur 3). L’algèbre de ces vecteurs, pensés en articulation permanente, tente d’éclairer réalités et pratiques des divers domaines culturels et linguistiques représentés au sein de l’IETT, ainsi que les discours et représentations qu’ils génèrent, dans des temporalités variées, sous forme de productions intellectuelles et de pratiques créatives (textes, musiques, images). Notre méthodologie transculturelle, unique en son genre, dépasse la simple comparaison des cultures et a pour objet de rendre compte de la complexité des réalités culturelles. Nous sommes très conscients du fait que la prétention d’universalité qui sous-tend la culture et les arts occidentaux depuis des siècles ne tient plus. La construction d’un tel faux-semblant d’« universalité » a résulté d’une histoire locale qui a donné à la culture et aux pratiques artistiques européennes une illusion d’autosuffisance. L’IETT occupe une place privilégiée pour réévaluer la nature hiérarchique de nos canons littéraires et culturels. Notre ambition est de questionner non pas tant ce qui se situe « entre » les catégories culturelles mais plutôt ce qui se situe « au-delà » et ce qui traverse ces mêmes catégories. Tout en nous focalisant sur la circulation diasporique des pratiques, des textes et des imaginaires, nous n’oblitérons pas la question du pouvoir. Une telle approche implique une déhiérarchisation des disciplines et la nécessité de ré-imaginer la constitution de nouveaux corpus, selon une acception élargie.
Overarching vector: Norms, Knowledge, (dis)Order
The question of norms underpins the IETT's three research vectors. Normalization can be seen as a construct common to different institutional entities (legal, social, linguistic, scientific, and artistic) which impact on all human actions and events. Under interrogation is the relationship between individual autonomy and collective normativity, whether it be through democratic or technocratic implementation. Normalizing calls for the creation of an imaginary used by a group of users, and through which everything shall ultimately be measured; deviations and differences will then oscillate between the perceived poles of the normal and of the abnormal. Thinking is a normative activity which depends on cognitive and linguistic norms. From normality to abnormality, the concept of norm invites in its wake a reflection on order and disorder. Of primary concern to the researcher, is the ordering and disordering of knowledge, and this question leads researchers to reflect critically on their own research community and its present-day evolutions. The threat represented by the instituting of knowledge monopolies calls on us to identify emerging forms of epistemological disobedience and to determine their contours and modes of action. Rethinking the construction of knowledges, we propose transforming the nature of exchanges between the academic world and civil society. These procedures necessarily imply a wide diffusion and sharing of knowledge such as one finds in the development of the digital humanities so long as they are truly open and easy to use.
The normalization of thought and practices often leads to self-censorship. Censorship relies on a technical apparatus of production, reproduction and dissemination of hegemonic norms and dominant codes (propaganda): it is therefore necessary to understand the tactics it resorts to, the techniques it relies on and the effects it conveys (normalization, manipulation, categorization). It is in this sense that it is possible to speak of censorship as literally "manufacturing imaginaries": metaphors and stereotypes, rhetorical structures and narrative patterns, images and theatrics, advertising campaigns, legal texts or newspaper articles pursue political strategies of legitimation and de-legitimation of what can be or what must be said and thought, strategies which need deconstructing to highlight their often arbitrary and unfair nature. Thus understood, censorship leads to a system of classification of knowledge, to a typology of types of behaviour and a taxonomy of identities which reduce and weaken the range of the possible and the exercise of freedom.
Our laboratory's three research vectors aim to question, and even deconstruct the complexities that structure our relations with Gender, Sexualities (Vector 1. Genre, sexualités), with Ecology, Economy, Technology (Vector 2. Écologie, économie, technologie), with Migration, Borders, (De)coloniality (Vector 3. Frontières, migrations, (dé)colonialité).
The above algebra of vectors focuses on the realities and practices of the different cultural and linguistic domains represented within the IETT, and the discourses and representations they give rise to at different times in the form of intellectual productions and textual, musical and visual artistic practices.
Our unique transcultural methodology goes beyond the mere comparison of cultures, and aims to account for the complexity of cultural realities. We are well aware that the claim of universality that sustained Western culture and the arts for centuries is no longer tenable. The construction of such a pretence of "universality" was the product of a local history that gave European culture and artistic practices a great sense of self-reliance. The IETT is ideally placed to re-evaluate the hierarchical nature of our literary and cultural canons. Our ambition is to investigate not what lies "between" but "beyond" and "across" cultural categories while focussing on the diasporic circulation of practices, of texts, and of imaginaries without effacing the question of power. This approach implies a dehierarchization of disciplines, and a re-imagining of corpus-building so as to permit an examination of the widest variety of texts.
- Vecteur transversal - Normes, savoir et (dés)ordre : Lawrence Gasquet (lawrence.gasquet@univ-lyon3.fr)