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[IETT] Appel à communications | (Re)lire les classiques des SHS : Foucault et le panoptisme (limite : 1er avril 2026)

Evènement | 20 mai 2026

Limite : 1er avril 2026

Relire les classiques - Foucault

Nous avons le plaisir de vous inviter à participer à la prochaine édition du séminaire « Relire les classiques » de l’IETT qui aura lieu l’après-midi du mercredi 20 mai 2026. Le lieu exact sera transmis ultérieurement. Les interventions ne devront pas dépasser 15 minutes, et ne devront pas nécessairement être aussi formelles que dans le contexte d’une conférence. Les propositions devront être envoyées à Jon Delogu (christopher-jon.delogu@univ-lyon3.fr) d’ici le 1er avril 2026. Elles seront ensuite discutées par les co-organisateur·rices qui élaboreront un programme et se chargeront de la logistique de l’événement. Vous êtes bien sûr libres d’assister en tant qu’auditeur·rice.
 
Le texte soumis à l’étude lors de cet événement sera le chapitre « Le panoptisme », extrait de Surveiller et punir (1975) de Michel Foucault. Ce séminaire vise à faire dialoguer chercheurs et chercheuses autour du texte de Foucault et de la façon dont ils et elles s’en emparent dans leurs sujets de recherche respectifs. Ci-dessous, quelques points clés du texte de Foucault que nous proposons de (re)mettre en lumière.
 
C. Jon Delogu, Raphaël Laloue, Uta Nowak,
Lena Osty, Camille Rivoire, Étienne Roy
 
Appel à communications
 
“I am putting myself to the fullest possible use, which is
all I think that any conscious entity can ever hope to do.” 
(2001: L’Odyssée de l’espace, 3’52).
 
Si le panoptisme devait trouver son incarnation au cinéma, ce serait sûrement dans l’œil rougeoyant de HAL 9000 dans 2001: L’Odyssée de l’espace. Une vision sans faille et une place centrale dans un vaisseau spatial clos et circulaire : on peut facilement y voir un écho de la prison panoptique, dispositif de surveillance constant et absolu, imperceptible par le prisonnier. Cette architecture carcérale a d'abord été imaginée par Bentham (1780) avant d’être réinvestie et généralisée par Foucault pour décrire ce qu’il appelle la « société disciplinaire » (Foucault 211).

Le panoptisme comme doctrine utilitariste
L’héritage utilitariste du panoptique a parfois été laissé de côté au profit de la critique de l’institution carcérale. On le retrouve néanmoins dans la figure de HAL 9000 et de son obsession pour le rendement (« the fullest possible use »). Foucault définit clairement les objectifs de la discipline généralisée comme fondamentalement utilitaristes : « rendre l'exercice du pouvoir le moins coûteux possible » ; porter les effets du pouvoir « à leur maximum d'intensité et étendus aussi loin que possible » ; « faire croître à la fois la docilité et l'utilité de tous les éléments du système » (220). Le panoptisme est une doctrine essentiellement productiviste : il fait partie de ce que Foucault appelle la discipline-mécanisme, « qui doit améliorer l’exercice du pouvoir » (211). Au lieu de neutraliser et de prévenir, la discipline finit par jouer un rôle positif. Elle s’apparente ainsi au capitalisme de surveillance, et plus particulièrement à la notion de « tuning » développée par Zuboff et qui met en avant l’influence des acteurs de l’économie numérique sur les comportements individuels les plus intimes à des fins lucratives. Les communications pourront donc s’intéresser aux aspects productivistes et utilitaristes du panoptisme pour le mettre en parallèle avec des réflexions sur la société contemporaine.
 
De la surveillance à la discipline
Le point de départ du texte de Foucault n’est pas la prison, mais la peste noire. Ce moment de l’histoire médiévale a donné naissance à « un rêve politique [...] la pénétration du règlement jusque dans les plus fins détails de l'existence » (Foucault 199). L’ingérence exceptionnelle du pouvoir dans les vies privées, désignée par le terme « dispositif disciplinaire » (199), était justifiée par un contexte sanitaire lui aussi exceptionnel (quoiqu’il le soit de moins en moins, les siècles suivants ont aussi eu leurs contextes sanitaires particuliers : variole au XVIIIe, choléra au XIXe, COVID-19 de nos jours). Après l’importante croissance démographique du XVIIIe siècle et les besoins imposés par un appareil de production « de plus en plus étendu et complexe » (220), cette « discipline d'exception » a initié un mouvement qui a abouti à pérenniser les dispositifs de contrôle et de surveillance de la société disciplinaire (211). Cet aspect du texte de Foucault pourra être mis en regard avec les effets du principe de jurisprudence et de potentielles dérives autoritaires. À l’instar du plan vigipirate, instauré en France en 1995 et désormais présenté comme permanent, la pérennisation d’autres dispositifs exceptionnels de surveillance pourront être abordés. Mentionnons à ce titre, le concept de société de contrôle forgé par Deleuze et Negri dans le sillage de Surveiller et punir et qui étend la théorie de Foucault à tous les espaces ouverts (et non plus seulement aux institutions closes comme l’asile ou l’école).
 
Effets du pouvoir : de l’objectivation à l’incorporation
Le pouvoir du panoptique est d’abord posé par Bentham comme « visible et invérifiable » (203). Celui qui est surveillé n’a pas possibilité de répondre, sa relation au pouvoir est forcément à sens unique : « il est vu, mais il ne voit pas; objet d'une information, jamais sujet dans une communication. » (202), victime d’un « pouvoir qui objective insidieusement ceux à qui il s'applique » (222). De plus le pouvoir n’est pas entièrement désincarné : il reste visible car l’objectif du panoptique est de donner constamment la sensation d’être surveillé. Foucault désigne donc cette surveillance comme incarnée dans les objets de la surveillance mais quasiment hors de toute hiérarchie : le pouvoir a lieu « non pas au-dessus, mais dans le tissu même de la multiplicité » (222). Ces liens entre surveillance et objectification pourront donner lieu à des réflexions sur l'aliénation par le pouvoir, par exemple dans le cadre des pratiques coloniales et de l’intériorisation du regard colonial (Fanon 1952). La déconnexion fondamentale entre sujet et objet, ou encore la visibilité/invisibilité du pouvoir rappellent par exemple le motif du « monarch of all I survey » (Cowper 1782) a été abondamment analysé pour souligner à quel point la position d’observation est une position de pouvoir sur l’espace colonial et celles et ceux qui l’habitent (Ashcroft et al. 254).
 
Droit, légalité et légitimité
À la fin du chapitre, Foucault présente la discipline comme un « contre-droit » car elle instaure des « dissymétries insurmontables » (224) et justifie l’absence de réciprocité entre celui qui exerce la discipline et celui qui la subit. Les communications pourront mettre en avant des échos de cette notion dans la pensée décoloniale, par exemple à partir du concept d’ambivalence chez Bhabha qui impose la fixité du sujet colonisé (« an uncertainty which fixes the colonial subject as a ‘partial’ presence » Bhabha 123). C’est à la fin du chapitre que la relation entre discipline et prison est la plus équivoque : toutes les deux effectuent « une mise en suspens, jamais totale, mais jamais annulée non plus, du droit » (Foucault, 224). La prison fait partie des « châtiments légaux » (225) : elle est dans la légalité, mais la dissymétrie et les questions morales qu’elle incarne posent en creux la question de sa légitimité. Par ailleurs, le cloisonnement qu’induisent les dispositifs panoptiques permet de « neutraliser les effets de contre-pouvoir » (221) et donc les contre-discours qui pourraient remettre en question sa légitimité. Les questionnements sur l’exercice de la surveillance et sa légitimité ou encore sur les modalités d’action des contre-pouvoirs seront donc les bienvenus. 
 
Autres questions
  • La question des données personnelles et du panoptique comme « un système d’enregistrement permanent » (198).
  • Les mécanismes d’accaparement du pouvoir. Par exemple, Foucault évoque les interstices par lesquels l’autorité s’immisce pendant la peste et qu’elle finit par boucher pour purifier, empêchant ainsi tout retour en arrière (199).
  • La surveillance et le monde du travail comme un « laboratoire de pouvoir » (206).
  • La famille, la discipline et l’éducation dans les relations parents-enfants/figures d’autorité-enfants.
  • La société disciplinaire comme inverse de la « civilisation du spectacle » (218), les effets du regard.
  • Les relations savoir-pouvoir que Foucault présente comme un renforcement mutuel (225-226).
  • Les effets du panoptisme comme « machine à faire des expériences » (205) : voyeurisme, absorption, manipulation, aliénation, désintégration.
 
Bibliographie indicative
  • Ashcroft, Bill, et al. Postcolonial Studies: the Key Concepts. Third edition, Routledge, Taylor & Francis Group, 2013.
  • Bhabha, Homi K. The Location of Culture. Routledge, 1994.
  • Cowper, William, « Verses, supposed to be written by Alexander Selkirk, during his solitary Abode in the Island of Juan Fernandez. » Poems by William Cowper, of the Inner Temple, Esq., 1782.
  • Deleuze, Gilles. « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », Pourparlers. Éditions de Minuit, 2003, p. 240-47. 
  • Fanon, Frantz. Peau noire, masques blancs. Éditions du Seuil, 1952.
  • Foucault, Michel. Surveiller et punir. Gallimard, 1975.
  • Kubrick, Stanley. 2001 : L’Odyssée de l’espace (2001: A Space Odyssey). MGM, 1968. DVD : Warner Bros., 2011. Durée : 149 min.
  • Zuboff, Shoshana. The Age of Surveillance Capitalism. PublicAffairs, 2019.