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Axe 1 - Genre, sexualités

Vecteur 1 : Genre, sexualités

Cet axe se concentre sur l’expérience et la représentation du genre et des sexualités à travers les âges et les cultures. Si la recherche française s’est longtemps montrée réticente à engager un dialogue avec des champs disciplinaires qui se sont développés dans le monde anglophone, bien souvent à partir de réflexions théoriques françaises, les études portant sur le genre et la sexualité ont renouvelé la perception de certaines œuvres ou l’approche de différentes périodes de l’histoire, rendant ainsi visibles des enjeux jusque-là impensés. En particulier, la déconstruction des oppositions binaires qui ont longtemps structuré notre rapport au corps, à l’identité, au désir et à l’imaginaire — nature/culture, masculin/féminin, homosexualité/hétérosexualité — a permis de dénaturaliser les normes genrées et sexuelles qui régulent les rapports sociaux et l’ordre symbolique qui les structure. En confrontant des approches disciplinaires aussi variées que l’analyse littéraire, l’histoire des idées ou les études transculturelles, il s’agit ici de questionner la façon dont les normes façonnent notre imaginaire et déterminent nos pratiques sociales en la matière, sans réussir toutefois à toujours masquer le trouble qui les entoure. Situé au carrefour de plusieurs champs de recherche représentés par les différents membres de l’équipe de l’IETT, le vecteur « Genre, sexualités » s’inscrit d’abord dans une perspective résolument féministe, en tant qu’elle constitue une critique des inégalités de genre et des discriminations sexuelles. Alors que la théorie féministe française des années 1970 s’est globalement cantonnée à une approche essentialiste de la différence sexuelle, l’émergence quasi simultanée des études sur le genre (Judith Butler, Gender Trouble, 1990) et de la théorie queer (Eve K. Sedgwick, The Epistemology of the Closet, 1990) a permis de complexifier et de raffiner la compréhension du genre et des sexualités. En interrogeant l’hégémonie dont jouissent la masculinité et l’hétéronormativité qui ordonnent la société, ces champs disciplinaires ont mis au jour la dimension performative du genre et de la sexualité, ainsi débarrassés d’une lecture strictement naturalisante. À côté d’une histoire des femmes et des féminités (nous pensons par exemple au travail pionnier effectué par S. Gubar et S. Gilbert en littérature), historiens et sociologues se sont penchés sur l’histoire de ces sexualités longtemps reléguées à la marge (LGBTQI studies), et ont par ailleurs analysé la multiplicité des identités masculines que des termes comme « patriarcat » ou « phallocentrisme » avaient jusque-là occultée (M. Kimmel et les Masculinity Studies). Plus récemment, des champs disciplinaires tels que les études sur la transidentité (Transgender Studies) ou les études pornographiques (Porn Studies) représentent des prolongements féconds et ouvrent des perspectives nouvelles sur la question du genre et des sexualités. Si le travail effectué autour de ce vecteur se situe dans un héritage profondément féministe, il inclut également une ligne radicalement queer, visant à rompre définitivement avec les catégories du normal, du légitime et du dominant (David Halperin). Enfin, notre approche se veut intersectionnelle (K. Crenshaw) : l’on ne saurait en effet s’intéresser à la question du genre et des sexualités sans prendre en compte les notions de classe sociale, d’âge ou de « race ». Le vecteur « Genre, sexualités » interroge ainsi les constructions genrées comme les rapports entre les sexes, questions indissociables d’une réflexion sur les sexualités. L’analyse des discours normalisateurs qui traversent et régissent les conduites, les corps et les imaginaires embrasse tant les pratiques que les représentations, tout en mettant en lumière les relations de pouvoir qui les soustendent et les noyautent, et que ces dernières véhiculent en retour. L’étude des identités et des imaginaires sexuels et genrés permet de dévoiler les normes hégémoniques et les dispositifs épistémologiques (Foucault) qui les régulent, comme leurs conditions de production, afin d’en révéler l’arbitraire et de troubler la ligne de partage entre les catégories du « normal » et de l’« anormal ». Cependant, il s’agit de s’intéresser également à tout ce qui se soustrait aux discours prescriptifs et aux pratiques hégémoniques, créant ainsi la possibilité d’un déplacement de la norme.

Nos champs d’investigation sont donc pluriels : femmes, féminismes et féminités ; hommes, masculinismes et masculinités ; LGBTQI* ; (homo/hétéro)sexualités. L’approche transculturelle et transtextuelle, qui fait l’originalité de notre démarche, ouvre des perspectives de recherches à même d’enrichir la réflexion, notamment sur les problématiques suivantes :
1) égalité/inégalités, violences, discriminations ;
2) sexualité (pratiques et imaginaires sexuels), érotisme, pornographie, désir, affects ;
3) famille, filiation, parentalité, santé, biopouvoir.

Mots-clés : genre ; sexualité ; corps ; identité ; queer ; LGBTQI* ; masculinité ; féminisme ; homosexualité ; hétéronormativité. 
 

Vector 1: Gender, Sexualities

This vector focuses on the experience and representation of gender and sexualities across different time periods and cultures. For some time, French research has displayed a certain reticence about engaging in dialogue with fields of study that were largely developed in the English-speaking, even though often based on French theory, however gender and sexuality studies have renewed the perception of certain works and the approach to various periods of history, thereby making visible issues that had not previously been thought about. In particular, the deconstruction of binary oppositions which for a considerable time had structured our relation to the body, identity, desire, and the imagination — nature/culture, masculine/feminine, homosexuality/heterosexuality — made possible a denaturalization of gender and sexual norms that regulate social relations and the social order that structures them. By marshalling and exploiting various disciplinary approaches such as literary analysis, the history of ideas, and cultural studies, the goal now is to question the ways norms shape our imaginary and determine the social practices in a given area while not always successfully masking completely the disturbance and "trouble" that surrounds them.

Situated at the intersection of several fields of research practised by different members of the IETT, the vector “Gender, Sexualities” is first of all a resolutely feminist perspective insofar as it constitutes a critique of the gender inequalities and sex-based discriminations. Although French feminist theory of the 1970s was generally limited to an essentialist vision of sexual difference, the near simultaneous emergence of studies of gender (Judith Butler, Gender Trouble, 1990) and queer theory (Eve K. Sedgwick, The Epistemology of the Closet, 1990) opened up a more complex and nuanced account of gender and sexualities. By questioning the hegemony enjoyed by the masculinity and heteronormativity in the social order, these disciplinary fields drew attention to the performative dimension of gender and sexuality that the previous naturalizing interpretations masked.

Alongside a history of women and femininities (notably the pioneering study of S. Gilbert and S. Gubar, The Madwoman in the Attic, 1979), historians and sociologists have taken up the history of sexualities that were for long relegated to the margins (LGBTQI studies) and analysed the multitude of masculine identities that terms such as “patriarchy” and “phallocentrism” had until now kept hidden (M. Kimmel and Masculinity Studies). More recently, disciplinary fields such as Transgender Studies and Porn Studies have productively extended the exploration of new perspectives on issues of gender and sexualities. Although research undertaken in this vector is decidedly feminist, it also includes a radically queer component, in other words, to borrow the words of David Halperin, that which definitively breaks with the normal, the legitimate, and the dominant. Finally, this vector’s approach is intersectional (K. Crenshaw), in other words it regards any consideration of the question of gender and sexualities to be inseparable from notions of social class, age, and “race.”

This vector questions gendered constructions as well as relations between the sexes that cannot be dissociated from a reflection on sexualities. An analysis of normalizing discourses which traverse and regulate conduct, bodies, and imaginaries embraces both practices and representations, all the while shedding light on the relations of power that both underpin and envelope them, and that the relations of power in turn convey and reproduce.

The study of identities and sexual and gendered imaginaries allows one to uncover hegemonic norms and the epistemological "dispositifs" (Foucault) that regulate them, along with their conditions of production, in view of revealing their arbitrariness and upsetting the border between the categories of normal and abnormal. However, the point is also to take interest in all that goes unaccounted for in prescriptive discourses and hegemonic practices, thereby creating the possibility of a displacement of the norm.

Our fields of investigation are therefore multiple: women, feminisms, and femininities; men, masculinisms, and masculinities; LGBTQI*; (homo/hetero) sexualities. The transcultural and transtextual approach, which is the distinctive characteristic of our method, opens lines of research capable of enriching reflection, notably in the following crucial areas:
1) equality/inequalities, violence, discrimination;
2) sexuality (sexual imaginaries and practices), eroticism, pornography, desire, affects;
3) the family, filiation, parentality, health, and biopower.

Keywords: gender; sexuality; body; identity; queer; LGBTQI*; masculinity; feminism; homosexuality; heteronormativity

- Vecteur 1 - Genre, sexualités : Pierre-Antoine Pellerin (pierre-antoine.pellerin@univ-lyon3.fr)