• [hal-04352593] De quoi les caricatures de Charlie Hebdo sont-elles le nom en Chine ? De l'Occident, des valeurs et de la critique du pouvoir
    19 décembre 2023
    Le récit des crimes du 7 janvier 2015 comme leur motif le plus évident - les caricatures du prophète Mahomet - ont fait le tour du monde, nourrissant des réactions et des interprétations multiples et divergentes malgré l’unanimisme des condamnations. Les lignes qui suivent se penchent sur la réception de cette tragédie en Chine. Ce texte ne s’aventure pas sur les causes multiples et complexes qui ont rendu possible ces drames sauf à préciser qu’une idéologie mortifère et totalitaire s’est épanouie sur une pluralité de facteurs et de temporalités indémêlables. Parmi les enjeux de dimension globale soulevés par ces évènements, il est possible d’identifier pêle-mêle les pratiques terroristes de l’islamisme radical, la place des minorités dans les états-nations contemporains, la question du blasphème visant des figures politiques ou religieuses, la liberté d’expression et ses limites. Dans la longue durée, ces évènements percutent aussi la condition postcoloniale du monde, et le legs d’une hégémonie non seulement géopolitique et économique mais aussi culturelle et épistémologique des sociétés occidentales. Si les sujets évoqués dans les lignes précédentes ont bien été mobilisés parmi les interprétations « chinoises » de ces attentats, la distance culturelle, politique et affective avec les évènements a parfois empêché les commentateurs chinois de saisir certains aspects du drame propres à un imaginaire national, un contexte idéologique et un langage politique spécifiquement français. La résonance globale de ces évènements ne saurait ainsi occulter que leur interprétation se déploya au sein d’un imaginaire institué déterminé par des enjeux politiques, idéologiques et linguistiques propres à la société chinoise. Parler d’une réception « chinoise » comporte le risque d’une simplification abusive et d’une essentialisation discutable d’un espace social, politique et culturel hétérogène.
  • [hal-04466095] Entre détresse alimentaire et alimentation saine
    19 février 2024
    L’usage alimentaire de l’écorce a été documenté dans l’ensemble de l’espace circumpolaire et a fait l’objet de plusieurs contributions en histoire et en archéobotanique. Or, si ces dernières ont retracé les modalités et les évolutions de cette pratique, elles n’ont que peu abordé la question de ses représentations. C’est là l’objet du présent article, lequel entend donner un premier aperçu de ces représentations et de leurs évolutions dans le temps long, du xviie siècle à nos jours. En s’appuyant sur un corpus de sources très diverses parues dans les principales langues européennes et scandinaves, il met en avant la façon dont la première documentation, neutre, de cette pratique cède rapidement la place à des critiques croissantes basées sur des arguments médicaux puis socio-économiques alors même que la consommation d’écorce recule puis disparaît ; devenue un fait historique et un objet d’étude pour la science, elle bénéficie alors d’une réhabilitation comme élément du patrimoine des pays du nord de l’Europe ou comme source d’alimentation saine adaptée à un mode de vie durable.
  • [hal-04352489] Le journal de Zhu Kezhen (1890-1974), météorologue : savoir scientifique, considérations idéologiques et vie quotidienne en Chine communiste
    19 décembre 2023
    Pionnier de la météorologie en Chine, Zhu Kezhen (竺可楨) fut une personnalité majeure au sein des institutions scientifiques chinoises pendant la période maoïste. Sa trajectoire biographique et intellectuelle est représentative du "nationalisme scientifique" qui s'est déployé en Chine au XXe siècle (Wang Zuoye, 2007). Ses contributions aux sciences du climat - notamment à la climatologie historique - sont considérables mais Zhu Kezhen nous lègue aussi un journal rédigé de façon continue entre 1936 et sa disparition en 1974 (Hongye Fan, 2013). Ces archives privées aujourd'hui disponibles concernent en priorité ses activités scientifiques mais elles s'accompagnent aussi de considérations sur sa vie quotidienne - et parfois intime - dans un contexte où l'Etat-Parti impose un contrôle social et idéologique de tous les instants sur les individus.
  • [hal-04241643] Création et liberté d'expression dans les années 1920-1930 en Chine: le cas du groupe Xinyue 新月
    13 octobre 2023
    Représentatif de ce que fut la vie intellectuelle, culturelle et politique de la Chine des années 1920-1930, le groupe Xinyue a réuni un ensemble conséquent d’intellectuels et d’artistes aux idées libérales, réfractaires à tout type d’idéologie dans une période qui voit l’avènement des idéologies. Parmi ceux-ci, se trouvent notamment Hu Shi, l’un des promoteurs les plus actifs du Mouvement pour une nouvelle culture et de la nouvelle littérature, les poètes Wen Yiduo et Xu Zhimo, le critique littéraire et prosateur Liang Shiqiu ou encore le dramaturge Yu Shangyuan. Mais victime des aléas de l’histoire, ce groupe est resté dans l’ombre jusqu’à la réédition, en 1985, de sa publication la plus emblématique, la revue Xinyue (1928-1933) suscitant alors un regain d’intérêt et une réévaluation de son contenu qui apparaît aujourd’hui comme constitutif à part entière de ce que l’on peut appeler la « modernité » chinoise. Il sera proposé, dans cette intervention, de revenir sur l’engagement pour la liberté d’expression qui a accompagné la création littéraire et artistique et la réflexion esthétique des membres du groupe pendant les années 1920-1930 au travers de leurs principales publications.
  • [hal-04244310] Introduction
    16 octobre 2023
    Ce colloque international pluridisciplinaire, qui constitue l’aboutissement d’un projet ayant déjà donné lieu à trois séminaires de recherche préparatoires, se donne pour objectif d’étudier les influences des rapports et logiques de genre dans les pratiques, les productions et l’historiographie des avant-gardes artistiques, des arts expérimentaux, ainsi que de toutes formes d’art se revendiquant ou relevant des marges artistiques dans l’espace germanophone de 1945 à nos jours. Le « prisme du genre », qui constitue l’angle d’attaque de ce projet, se conçoit dans une optique large : il concerne les questionnements sur la place réservée aux femmes, sur les rapports femmes-hommes, sur les catégorisations et hiérarchisations symboliques entre féminin et masculin ainsi que sur les réflexions concernant le traitement (social et esthétique) des masculinités alternatives, des identités et sexualités non binaires. Ce prisme comprend en outre l’approche intersectionnelle des processus de minoration de certaines identités genrées. La période étudiée s’étend de 1945 à nos jours, afin d’appliquer les analyses déjà menées sur les avant-gardes dites historiques (1ère moitié du XXe siècle) à la période postérieure à la Seconde Guerre mondiale, peu étudiée – alors même que les évolutions sociétales enclenchées par la « deuxième vague féministe », puis par la troisième, et même tout récemment par la quatrième, ont indéniablement prédisposé les collectifs et groupes artistiques à faire évoluer les positions, les positionnements et les rapports entre artistes en leur sein. Les corpus étudiés sont issus des pays germanophones ou du champ franco-allemand. L’aire culturelle germanique a vu naître et se développer un grand nombre de mouvements d’avant-garde (expressionnisme, Dada, Neue Sachlichkeit, Bauhaus) et de néo-avant-gardes (poésie et musique concrètes, groupe de Vienne, actionnisme viennois, Fluxus …) et a joué un rôle clé dans l’épanouissement, entre autres, de la performance à partir des années 1970, à l’Ouest comme à l’Est. Toutefois, l’étude des avant-gardes implique nécessairement une approche franco-allemande et même internationale, afin de rendre fidèlement compte de l’objet étudié. Quatre interrogations ont été choisies comme axes de réflexion : 1) Égalité dans les marges ? Utopie et réalité 2) Les esthétiques des avant-gardes pour dire le genre 3) Filiation, canon et postérité 4) Le genre pour une avant-garde contemporaine ?
  • [hal-04352547] Zhu Kezhen 竺可楨 (1890-1974) and the Sinicization of Pleistocene Frozen Ground: Preliminary Thoughts on the Geographical Imagination, Historiographical Choices and Ideological Orientations of a Pioneer in Chinese Meteorology
    19 décembre 2023
    This on-going study attempts at elucidating the geographical imagination, historiographical choices and ideological orientations of Zhu Kezhen, a pioneer in Chinese Meteorology in the early 1960s. This paper try to shed light on the representations of time, space, "the world" and "China" that unfold in Zhu Kezhen's climatic knowledge, and to interpret the categories of this "instituted imaginary" (Castoriadis, 1975) specific to an individual subject and a society taken collectively, without necessarily being able to disentangle what belongs to one or the other. A whole range of intertextualities, discourses, historical experiences, ideological burdens and knowledge belonging to both immediate history and longer timeframes, to a "Chinese" context and to global circulation, all contribute to the constitution of this "instituted imaginary". Meteorology and climate history are fields that mobilize multiple temporal and spatial scales. Zhu Kezhen's scientific writings is constantly permeated by a spatio-temporal imaginary, cultural references and national ideological stakes. From his early work, marked by a powerful environmental and climatic determinism, to his later studies on a history of climate based on phenological sources and his highly sino-centric historiography of meteorological knowledge, Zhu Kezhen never ceases to bring the fluctuations of the global atmosphere down to a "Chinese" land.
  • [hal-04352446] Perception of climate" seminar Zhu Kezhen 竺可楨 (1890-1974): Meteorological knowledge and national imaginary in twentieth-century China
    21 décembre 2023
    Zhu Kezhen est une personnalité scientifique majeure dans l'histoire de la Chine au XXe siècle. Il a initié le développement de la météorologie (气象学) en Chine à partir de la période républicaine. Ce séminaire propose d'inscrire le parcours de Zhu Kezhen dans une histoire politique et idéologique de la construction de la Chine en tant que communauté nationale à partir de la fin du XIXe siècle. Comme tous les savoirs issus de la modernité, la météorologie en tant que « Science » s'est diffusée en Chine dans le cadre d'une interaction-en termes de traduction, de circulation et d'appropriation-avec les espaces, les savoirs et les textes européens, américains ou encore japonais. Diplômé d'un doctorat à Harvard dans les années 1910s, Zhu Kezhen est une figure exemplaire de cette modernité importée, transplantée et transformée. En soulignant l'ambivalence d'une science qui va apparaitre à la fois comme une arme au service des impérialismes et un outil pour mener à bien l'oeuvre patriotique-en fonction de l'identité de ceux qui contrôlent les instruments et les dispositifs permettant de produire une connaissance de l'atmosphère en Chine-, Zhu Kezhen incarne parfaitement ce que Wang Zuoye nomme le « nationalisme scientifique » (Wang, 2002). Au-delà de sa trajectoire biographique et de ses réalisations institutionnelles, ce séminaire propose aussi d'interroger le rôle du savoir météorologique dans la construction discursive d'un espacetemps commun de la nation. Si le bulletin météorologique quotidien se limite aujourd'hui à confirmer un imaginaire déjà institué dans la société chinoise, le geo-body de la nation (Winichakul, 1994, Callahan, 2009) apparait au contraire beaucoup plus incertain au début du XXe siècle. La création de stations et d'observatoires, la constitution de cartes à travers des séries thermométriques ou pluviométriques, le développement de la climatologie historique mais aussi l'histoire du savoir météorologique constituent autant de champs de recherche chez Zhu Kezhen qui participent de la production d'un espace, d'une temporalité et d'une culture nationale chinoise.
  • [hal-04301966] Huang Zunxian
    23 novembre 2023
    One of the stories of 100 women and men whose activities in the 19th century laid the foundations of modern China. This book sprang from a simple but original ambition: to provide an understanding - told through the lives of 100 significant individuals - of how China transformed from dynastic empire to a modern, republican nation during the period 1796 to 1912. Both famous and surprisingly little-known women and men are brought together in eight thematic sections that illuminate the birth of modern China.
  • [hal-04301996] Cartooning China: Punch, Power, & Politics in the Victorian Era
    23 novembre 2023
    Review article of Cartooning China: Punch, Power, & Politics in the Victorian Era by Amy Matthewson, London, Routledge, 2022, 188 pp., 77 illustrations, £130.00 (Hardback)/£38.99 (Paperback)/£39.09 (eBook), ISBN: 9780367460990
  • [hal-04101414] D’une censure à l’autre : le combat pour la liberté d’expression de la revue Xinyue 新月 (1928-1933)
    19 mai 2023
    Quelques intellectuels et artistes aux idées libérales, se regroupent dans les années 1920/1930, pour publier une revue - Xinyue (1928-1933) – qui apparaîtra comme l’un des principaux fers de lance contre les tentatives de mainmise sur la liberté d’expression par le nouveau pouvoir en place. Le rôle joué par la revue Xinyue dans le débat sur la démocratie et les droits de l’homme pendant la période républicaine lui a valu différentes formes de censure, de tentatives d’intimidation jusqu’au meurtre, puis une longue mise à l’index jusqu’à sa réédition, en 1985. Le regain d’intérêt qu’elle a alors suscité a amené à une réévaluation de son contenu qui apparaît aujourd’hui comme constitutif à part entière du processus de modernisation de la société, de la culture et de la politique chinoises. Cet article analyse les éléments qui ont permis aux collaborateurs de la revue d’inscrire une résistance durable à la censure.
  • [hal-04507828] « L’Est à l’Ouest. Entre objet familier et terra incognita de la recherche sur la RDA »
    17 mars 2024
    Les 25-26 mars et 9 avril 2021 se tenait en ligne le colloque international « L’Est à l’Ouest », fruit de la collaboration entre l’université Lumière Lyon 2, l’université Jean Moulin Lyon 3 et l’ENS de Lyon. La manifestation se donnait pour objectif de mieux identifier le groupe des intellectuels, écrivains et artistes ayant quitté la RDA, souvent nommés par l’historiographie Übergesiedelte, en se penchant sur la période précédant et suivant immédiatement leur départ, ainsi que sur leur séjour à l’Ouest jusqu’en 1989 et éventuellement au-delà. Il s’agissait, entre autres choses, de poursuivre, mais aussi d’actualiser les travaux pionniers de Walter Schmitz dont l’ouvrage, paru en 2009, était resté unique en son genre, et ce alors même que la recherche sur les exils et les migrations était florissante. Douze ans plus tard, le coup de projecteur sur les Übergesiedelte semblait toujours d’actualité. La RDA et les nouveaux Bundesländer continuaient à susciter un réel intérêt en France : la commémoration des 30 ans de la chute du Mur y avait été largement commentée, des ouvrages de germanistes, mais aussi d’historiens y paraissaient régulièrement, ne cessant de renouveler et d’enrichir les approches. Après Wolfgang Hilbig en 2013-2014, puis 2014-2015, Sarah Kirsch figurait au programme des concours de l’Éducation nationale pour les sessions 2021 et 2022 − sans que la condition d’émigré de l’un ou de l’autre ne fût particulièrement mise en avant. Au même moment, on assistait en Allemagne à la parution de la correspondance entre Sarah Kirsch et Christa Wolf, dont les échanges prouvaient à quel point non seulement le départ, mais également les années passées de part et d’autre du Mur avaient marqué les biographies et les productions, et surtout altéré les relations humaines et les amitiés. En l’occurrence, on comprenait que le germe de la rupture entre les Gebliebene (restés à l’Est) et les Übergesiedelte (passés à l’Ouest), qui allait survenir de manière brutale dans le tourbillon des années 1990, avait éclos et s’était développé bien des années avant la chute du Mur. Aussi l’expérience de l’émigration et le séjour passé hors des frontières apparaissaient-ils comme fondamentaux pour saisir ce qui allait se produire en 1989 et lors des années suivantes.
  • [hal-04357387] La « révolution de l’écriture » du critique culturel Qu Qiubai: imaginaire national et plurilinguisme en Chine républicaine
    21 décembre 2023
    La question du système d’écriture et de l’institution d’une langue nationale fut au cœur des nombreux débats qui ont agité la scène intellectuelle et politique chinoise dans le prolongement de la révolution républicaine de 1911. Ces réflexions riches en développements théoriques et en expérimentations pratiques mêlaient des considérations tout à la fois idéologiques, historiographiques, linguistiques et littéraires. Le critique culturel et dirigeant politique Qu Qiubai a commis une série de textes théoriques ainsi que des propositions concrètes qui articulent des enjeux politiques avec les problématiques associées à la spécificité des « caractères Han » et la nécessité de leur suppression. Encadré par l’eurocentrisme de son temps et guidé par un cadre théorique et historique marxisant, il a élaboré ses propositions sur l’écriture à partir d’une critique de l’idée de « langue nationale » attentive à la condition plurilinguistique de la Chine.
  • [hal-04507809] « Performer la dictature socialiste : la diapo-conférence Mein Leben als gebrauchsangewiesener Mensch in der DDR de Jan Faktor »
    17 mars 2024
    Le poète et romancier Jan Faktor, né en 1951 à Prague et installé en RDA à partir de 1978, est surtout connu pour sa poésie expérimentale et son action au sein des subcultures artistiques non officielles durant la dernière décennie d’existence de l’État socialiste. Si, après la chute du Mur, il s’est également illustré en attaquant ses anciens amis du Prenzlauer Berg, l’œuvre, notamment romanesque, qui a vu le jour par la suite est restée en grande partie confidentielle. Cette situation est d’autant plus étonnante que l’un des principaux intérêts de son écriture autofictionnelle et mémorielle est d’aborder la thématique de la dictature sous les multiples dehors qu’elle a pris au XXe siècle : d’un côté à travers l’expérience concentrationnaire des femmes de sa famille dans Schornstein (« Cheminée », 2006), de l’autre par le récit du traumatisme vécu par sa génération lors de l’invasion de Prague par les chars russes en 1968 dans Georgs Sorgen um die Vergangenheit (« Georges s’en fait pour son passé », 2010). Ainsi la dictature, nazie ou socialiste, est-elle présente dans la biographie de Faktor avant même l’expérience de la RDA. À ce déficit général de réception vient s’ajouter le fait que, quand elle a lieu, cette dernière est partielle : la dimension « scénique » ou du moins « incarnée » de l’œuvre est en effet pour ainsi dire inconnue. Elle existe pourtant bel et bien et prend sa source dans les lectures / performances qui se déroulaient dans les appartements privés de Berlin-Est dans la décennie 1980. Sans que l’opposition au régime autoritaire du SED y ait été figurée de manière directe, on peut estimer que le genre performatif, vecteur d’émotions intenses et inédites, socle d’une communauté reposant sur l’échange entre l’artiste et son public, était l’une des réponses esthétiques adressées par la jeune garde de poètes à la dictature sous laquelle elle évoluait. Bien qu’une histoire des pratiques alternatives reste à écrire sous cet angle, ce n’est pas cette perspective que nous retiendrons ici. La particularité de Faktor est, en effet, qu’il persiste dans ses activités de « performeur » après 1989, et ce alors même que ces dispositifs ne sont plus nécessaires, voire qu’il les intensifie en participant, par exemple, à un opéra multimédial en 1991, ainsi qu’à plusieurs spectacles de danse de 1997 à 1999. Fakor est donc non seulement poète, essayiste et romancier, mais également un artiste dont le corps, aussi bien en représentation qu’en action, est au cœur de la démarche depuis ses débuts. Il ne s’agit pas là d’un simple choix esthétique, mais d’un positionnement relevant d’une nécessité existentielle. La performance, vocale et physique, est le mode nécessaire et incontournable de représentation des traumatismes hérités et vécus sous la dictature, avant qu’ils ne puissent l’être par le biais d’une écriture romanesque plus classique. Il s’agira éclairer une étape de ce processus par le biais d’un spectacle consacré à la dictature en RDA donné par Faktor une trentaine de fois entre 1997 et 1999, après la chute du Mur donc, sous la forme d’une « diapo-conférence ». Intitulée « Ma vie de citoyen soumis aux modes d’emploi en RDA » (Mein Leben als gebrauchsangewiesener Mensch in der DDR), elle consiste en une sorte de one-man show dont Faktor est le créateur et l’interprète. Il sera donc davantage question ici de la mémoire de la dictature et de sa transmission que d’opposition ou de résistance en tant que telles sous la dictature. Notre propos est basé sur l’exploitation inédite du fonds d’archives déposé par l’auteur en 2013 à l’Académie des arts de Berlin. Associé à de nombreux documents papier et diapositives, un enregistrement public de la diapo-conférence permet de reconstituer assez précisément la performance et surtout de se faire une idée de l’effet provoqué sur l’auditoire. On montrera à cette occasion ce que permet la performance du matériau des modes d’emploi : d’abord de mieux cerner la nature profonde de la dictature ; ensuite de saisir la socialisation complexe à laquelle ses citoyens étaient soumis ; enfin de trouver le ton juste entre ostalgie et diabolisation après la réunification.

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